Gyotaku : un art traditionnel japonais avec l’artiste Sylvain Garrigues

Je te partage aujourd’hui ma rencontre avec Sylvain Garrigues, artiste spécialisé en la technique traditionnelle japonaise appelée Gyotaku ou l’art de l’empreinte de poisson.

Cet échange met en lumière la simplicité et la complexité du Gyotaku mais aussi comment les traditions se sont adaptées avec le temps.

Artiste accompli, Sylvain Garrigues donne à voir ici une approche respectueuse des enseignements traditionnels et une liberté créative moderne.

Pourquoi et comment se lancer dans la pratique du Gyotaku ?

Sylvain Garrigues, pourriez-vous nous expliquer ce qu’est le Gyotaku et votre lien avec cette technique ?

Sylvain G. : « À l’origine, je suis graphiste, spécialisé dans le print (impression) et travaille beaucoup sur ordinateur. J’ai ressenti le besoin de revenir à des techniques plus naturelles, au pinceau. Je me suis souvenu d’une expo sur les gyotaku et j’ai commencé seul mes premières empreintes, une vraie galère ! Avoir suivi un stage avec un maître m’a permis de débloquer quelques points techniques importants et réellement m’engager dans cette voie. »

Avez-vous rencontré votre maître au Japon ou avez-vous reçu des enseignements en France?

Sylvain G. : « Les maîtres japonais du Gyotaku, principalement basés à Osaka, font partie d’un cercle assez fermé. Il faut vraiment connaître quelqu’un qui peut vous ouvrir les portes. J’ai eu la chance de rencontrer Maître Marc Porrini en France, à Arennes. Il est le seul maître français formé par un maître japonais et c’est lui qui m’a formé. »

Les deux Méthodes du Gyotaku

Quelle est, selon vous, le temps nécessaire pour acquérir les bases du Gyotaku ?

Sylvain G.: « Le concept de base du Gyotaku est assez simple : vous posez un poisson sur votre plan de travail, vous le peignez avec de l’encre et appliquez un papier fin pour transférer l’empreinte par capillarité. Cependant, comme beaucoup de techniques japonaises, elle est en pratique extrêmement compliquée et demande une grande technicité. On peut s’initier avec des maîtres, mais il est peu probable de réussir du premier coup à obtenir une empreinte fine, détaillée, avec beaucoup de relief. L’apprentissage est un processus d’une vie entière, mais avec beaucoup de travail et de sensibilité à la technique, on peut espérer atteindre un niveau intermédiaire après six mois à un an. »

J’ai remarqué que vous utilisiez également la couleur dans vos œuvres, alors que le Gyotaku traditionnel se limitait à l’encre de Chine noire.

Sylvain G. : « À l’origine, au 19ème siècle, la technique du Gyotaku servait d’  « appareil photo » pour les pêcheurs japonais souhaitant garder un souvenir de leurs plus grosses prises. Ils utilisaient de l’encre de seiche locale pour peindre le poisson et transférer son image sur tissu. Aujourd’hui, le Gyotaku de souvenir de pêche a été remplacé par la photographie, mais Maître Matsunaga d’Osaka, aujourd’hui disparu, a remis au goût du jour le Gyotaku en mettant au point le Gyotaku « artistique » qui est principalement en couleur. Cela dit, il reste tout à fait possible de pratiquer à l’encre de Chine ou à l’encre de seiche. »

Matériel requis pour l’empreinte de poisson

Quel est le matériel essentiel pour débuter en Gyotaku et où le trouver en France ?

Sylvain G. : « Pour tout vous dire, j’utilise de l’encre de Chine que l’on trouve dans le commerce et qui fonctionne très bien. Pour réussir en Gyotaku, une des règles d’or, c’est de ne jamais changer de matériel. C’est-à-dire que si vous commencez avec un type d’encre de Chine, de papier et de pinceau, il faut constamment continuer avec ces mêmes outils. Si vous changez constamment, vos réglages et repères seront modifiés, et vos essais ne pourront pas servir d’expérience. Il faut donc garder les mêmes matériaux. Concernant les fournitures, l’encre de Chine du commerce convient parfaitement, tandis que l’encre de seiche est plus compliquée à trouver. Pour le papier, on préférera des feuilles très fines, dans les 30 à 60 g maximum, pour leur souplesse à épouser les formes du poisson, et leur capacité d’absorption similaires aux papiers de calligraphie. »

La proximité de la mer est-elle importante pour la pratique du Gyotaku ?

Sylvain G. : « Oui, en fait, il y a deux facteurs. Il y a la sensibilité au milieu marin, l’attrait pour la mer, etc., qui peut jouer un rôle important dans la démarche artistique. Et puis, il y a l’approvisionnement en poisson frais, essentiel pour réaliser de belles empreintes. Être situé près du littoral facilite grandement les choses, notamment grâce aux contacts avec les pêcheurs locaux pour se procurer les spécimens adéquats. »

Le poisson peut-il être consommé après avoir servi pour une empreinte Gyotaku ?

Sylvain G. : « C’est une question qui est constamment posée lors des expositions. Alors oui, le poisson est toujours consommé après l’empreinte. L’encre de Chine que j’utilise est naturelle, comme l’encre de seiche utilisée en gastronomie, le poisson reste donc parfaitement consommable. Il faut juste faire un peu attention avec les encres couleurs et les peintures, mais sachant que les poissons que l’on utilise ne sont jamais écaillés, la peinture reste complètement en surface de l’animal et est transférée sur le papier. Il reste très très peu de peinture sur l’animal et si on le lave tout de suite, ça ne pose aucun problème. »

Complexité et Évolution Personnelle de la Technique

Pourquoi certains poissons sont-ils plus difficiles à imprimer en Gyotaku que d’autres ?

Sylvain G. : « En fait, ce qui est difficile dans le Gyotaku, c’est la déformation du papier. C’est-à-dire que plus on a un poisson en forme ovale, plus le papier va se déformer, et plus ça va être compliqué à faire. Au contraire, avec une sole qui va être très très plate, la déformation du papier va être quasi nulle : c’est beaucoup plus facile d’appliquer l’encre, de faire les volumes, etc.

Le second paramètre c’est la structure même du poisson. Si vous prenez un bar ou une dorade où il y a de belles écailles bien formées comparées à un maquereau ou un thon qui n’a pratiquement pas d’écailles, c’est vraiment très lisse ; Là ça va être beaucoup plus compliqué. L’encre a du mal à adhérer sur des peaux plus lisses, la gestion de l’encre est donc beaucoup plus difficile. »

Devez-vous appliquer l’encre plusieurs fois ou y a-t-il une technique particulière pour les poissons « difficiles »?

Sylvain G. : « En fait, il n’y a qu’un encrage et qu’une seule apposition du papier ; On n’a pas le droit d’appliquer le papier plusieurs fois. Ça, c’est défini : une fois qu’on a enlevé le papier, c’est terminé. Soit c’est réussi, soit c’est mauvais. Mais on peut enlever le papier au fur et à mesure et faire des retouches, ça c’est autorisé. En général, lorsqu’il y a des poissons « difficiles », on peut jouer sur la dilution de l’encre ou sur le grammage du papier. »

Depuis combien de temps pratiquez-vous le Gyotaku ? Avez-vous constaté une évolution dans votre technique au fil du temps ?

Sylvain G. : « J’ai débuté il y a 5 ans. Entre les premières empreintes et celles de maintenant, c’est complètement différent. Même si j’utilise toujours la même encre de Chine et toujours le même papier. Plus on se sent à l’aise avec la technique, plus on s’autorise à changer, à prendre des papiers plus difficiles, des pinceaux différents, des poissons plus difficiles à imprimer. On commence à faire des bans de poissons au lieu d’un seul, car en faire plusieurs sur la même planche est beaucoup plus délicat. Et à utiliser de plus en plus de couleurs, comme le font les maîtres à Osaka. »

Respect des Traditions et Nouvelles Approches du Gyotaku

Comment concevoir la composition d’un Gyotaku ?

Sylvain G. : « Au niveau de la mise en page du poisson, il n’y a pas de règle, c’est un peu en fonction de la sensibilité de chacun. Mais cela dit, c’est vrai que, dans l’absolu à Osaka, les poissons ont plutôt la tête dirigée vers le bas étant donné que ces animaux vont plutôt aller manger ce qui est au fond de l’eau, d’où la position un peu en diagonale.

Mais peu importe la position du poisson, l’essentiel est de lui redonner vie, qu’il ait une position vivante dans le format, qu’il ne soit pas bêtement posé à plat horizontal comme on pourrait retrouver sur un étal de poissonnier. Ça, c’est absolument proscrit. Il doit avoir l’air le plus vivant possible. »

Avez-vous des inspirations artistiques ou autres pour composer vos œuvres ?

Sylvain G. : « Étant graphiste de formation, c’est vrai que l’univers des formes et de l’agencement des formes me parle assez. Et parfois, il y a deux démarches : soit on prend un poulpe, on peut lui donner une allure complètement calligraphique par la tête qui forme une masse, avec les tentacules beaucoup plus légères ; Cela peut devenir presque abstrait. Et l’autre démarche que j’ai faite, c’est de créer le gyotaku en fonction du cadre et non pas l’inverse. Je me suis mis à chiner des cadres en brocante, des vieux cadres ovales, ronds, etc. Et en fait, je m’attachais à faire correspondre l’empreinte au cadre, c’est-à-dire que je moulais le poulpe dans ce cadre qui était plein format. Il faut jouer avec l’animal parce que l’animal reste un outil comme un pinceau. Il faut jouer avec l’animal, il faut jouer avec le cadre et il n’y a rien de plus ennuyeux qu’un poisson planté dans un cadre tout seul, même s’il est très bien fait. C’est toujours intéressant d’amener quelque chose de plus. »

Pouvez-vous nous parler de l’utilisation du Hanko (sceau traditionnel japonais) et de votre signature?

Sylvain G. : « Effectivement, les Hanko, on peut en avoir plusieurs. Chaque artiste peut avoir autant de sceaux qu’il veut, et il peut raconter même son CV ou son histoire par le Hanko. C’est fréquent qu’il y ait des artistes, même en calligraphie, qui signent d’un Hanko pour distinguer leurs créations chaque année.

Mon premier tampon, c’était un logo que je me suis fait, mon logo d’artiste. Mon nom d’artiste japonais m’a été donné par un Japonais : à partir de là, j’ai fait faire mon tampon en pierre par une calligraphe. Donc en général, j’appose mes deux logos : mon logo d’artiste « français » et le Hanko japonais au nom de « Moli », qui signifie « grande forêt ». »

Explorations possibles dans l’Art du Gyotaku

Votre démarche artistique me semble évoluer vers la création de récits ?

Sylvain G. : « Vous parlez des chimères ? Les chimères, ce n’est pas du tout, comment dirais-je, dans l’appellation « gyotaku ». C’est un amusement personnel. Et c’est vrai qu’il m’arrive de faire des empreintes dont je rate la tête ou le reste du corps. Avant je les jetais, et maintenant je les garde. J’ai trouvé amusant de faire des combinaisons un peu bizarroïdes d’animaux, mais en aucun cas ce sont de vrais gyotaku. Voilà, c’est vraiment plus de l’amusement. »

Êtes-vous attaché à rester dans la tradition du Gyotaku ou cherchez-vous à renouveler la pratique ?

Sylvain G. : « Les deux : je peux faire des chimères c’est vraiment plus de l’amusement personnel et faire aussi du gyotaku parfaitement traditionnel, dans les règles de l’art. Même si, de plus en plus, je suis toujours en recherche de différents supports. Je viens de finir des essais sur du papier calque avec la superposition de papier calque pour créer un effet de profondeur d’eau. Je teste des nouveaux supports, des nouvelles techniques. Bien sûr, il faut absolument moderniser cette technique tout en gardant le côté aussi traditionnel, sans retoucher l’empreinte. »

Avez-vous d’autres pratiques artistiques que vous développez, ou préférez-vous vous concentrer exclusivement sur le Gyotaku ?

Sylvain G. : « Pour l’instant, cette technique-là m’apporte beaucoup de travail donc ce n’est pas terminé du tout. Il y a beaucoup de choses à explorer, à faire, etc. Plein d’idées sont à venir. La calligraphie, c’est une technique qui m’intéresse beaucoup, c’est très très dur aussi… Pour l’instant je reste sur le gyotaku. »

Il est possible, sur un Gyotaku, d’ajouter des poèmes. Pourriez-vous un jour intégrer la calligraphie dans votre oeuvre?

Sylvain G. : « Effectivement, certains artistes mettent des haïku. Il y en a qui font calligraphier leurs papiers par un calligraphe japonais et après ils font leurs empreintes. En général, c’est ça. C’est rare que la personne qui fait le gyotaku fasse sa propre calligraphie parce qu’en fait on part du principe que chaque art a son maître et il n’est pas très très bien venu de tout mélanger, ce qui est absolument normal : chaque métier a son ouvrier et son maître. Ce n’est pas dans ma démarche. En fait, je trouve que c’est bien de laisser aussi la tradition japonaise aux Japonais. Et je trouve un peu indélicat et presque mal poli de mettre des petits poèmes à la japonaise sur mes gyotaku parce que je ne suis pas japonais. Je ne me sentirais pas à l’aise en m’appropriant cette tradition. »

Gyotaku de Saint-Pierre, encres couleur directes

Pour conclure, je voudrais savoir quelle influence ou quel bienfait la pratique du Gyotaku a eu sur vous ou sur votre mode de vie ?

Sylvain G. : « Je ne suis pas d’un naturel très très calme à la base, mais en faisant les gyotaku, je peux être d’une patience infinie. Ça demande vraiment beaucoup de délicatesse et de maîtrise pour bien encrer, pour poser le papier délicatement… Enfin voilà, il faut être très très fin et très méticuleux dans ses gestes, ce que je ne suis pas forcément tous les jours. Donc ça, oui. Ça se rapproche un peu du principe de la pêche où on peut passer des heures avec le bouchon dans l’eau et sans prendre un poisson, peu importe : on est à la pêche, on prend du plaisir, peu importe si on prend du poisson ou pas. Pour l’empreinte, peu importe si on réussit ou pas, on prend un plaisir à faire un geste artistique, une démarche, après si c’est raté, tant pis, on recommence et puis voilà. »

Enfin, auprès de quelle(s) structure(s) peut-on trouver des initiations au Gyotaku ?

Sylvain G. : « C’est conseillé de trouver au moins un maître qui puisse enseigner correctement la technique. Il y a l’association dont je fais partie, Gyotaku Art Europe , qui est une association européenne qui rassemble des maîtres et des élèves et qui aide à la bonne pratique du gyotaku, c’est-à-dire sans retouche, pour faire ça de façon correcte. Et je suis également adhérent de la Nature Printing Society basée aux États-Unis, qui est plus ouverte sur tout ce qui est impressions de végétaux, de poissons. C’est ouvert à plus de supports mais en restant sur la même technique. »

J’espère que cet article t’aura donné l’envie d’en apprendre encore davantage sur la technique du gyotaku et sur l’oeuvre de Sylvain Garrigues. Tu peux retrouver retrouver l’artiste sur sa page Facebook Darkoï, sur Instagram : sg_darkoï et sa boutique en ligne (boutique plutôt pour la vente à l’étranger, aux États-Unis, Canada,etc…). Sylvain Garrigues est aussi très présent dans divers salons et expositions.

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14 réflexions sur “Gyotaku : un art traditionnel japonais avec l’artiste Sylvain Garrigues”

  1. marinebevingmailcom

    Incroyable ! Je ne connaissais pas du tout cet art… J’aime beaucoup le rendu cabinet de curiosité !

    1. Merci Marine ! C’est un art qui peut choquer en France pourtant il est dans le respect et la gratitude envers la nature d’un bout à l’autre de la chaîne.

    1. Merci à toi! Je partage ici des pratiques un peu « curieuses » qui donnent à voir l’essence créative de la réalité quotidienne… Au plaisir de te lire prochainement !

  2. C’est vraiment impressionnant, cette finesse…! On a vraiment l’impression que les animaux sont en vie, si j’ai bien lu l’article, c’est donc que que sont des Gyotaku réussis ! 😉 Merci pour la découverte !

    1. Merci de ta lecture ! Au-delà d’une planche zoologique, cet art donne à voir une interprétation de l’animal dans son élément alors même que la nature n’est pas représentée ! C’est merveilleux, en effet!

  3. Ce fut une lecture fascinante sur l’art du Gyotaku et le parcours inspirant de Sylvain Garrigues. L’article met en lumière la passion et la dévotion de Sylvain à cet art traditionnel japonais, offrant un aperçu captivant de sa transition de graphiste à artiste Gyotaku. L’accent mis sur la patience, la technicité et l’importance de la constance dans le choix du matériel pour réussir dans cette technique est particulièrement éclairant. Il est intéressant de voir comment Sylvain a intégré des couleurs dans ses œuvres, modernisant ainsi une pratique traditionnellement monochrome, tout en restant fidèle à l’esprit original du Gyotaku. La discussion sur les défis liés à l’impression de différents types de poissons ajoute une profondeur technique à l’article, démontrant que chaque impression est unique et ne peut être reproduite. En outre, l’approche respectueuse de Sylvain envers les traditions culturelles, tout en explorant de nouvelles avenues artistiques, est admirable. Cet article est non seulement informatif pour ceux qui découvrent le Gyotaku, mais aussi inspirant pour les artistes et amateurs d’art traditionnel.

  4. Bonjour, c’est magnifique, je ne connaissais pas, et l’histoire est aussi pittoresque empreinte d’une culture que j’apprécie beaucoup, japonaise.

    1. Merci de ce retour, Raphael ! Il est incroyable de constater à quel point il n’y a pas de déformation malgré le volume empreint ! Je suis curieuse de savoir si nous avons un équivalent chez nos pêcheurs occidentaux du XIXeme…

  5. Article intéressant sur l’art du Gyotaku et le parcours de l’artiste Sylvain Garrigues !

    Merci de nous avoir fait découvrir cette tradition japonaise que je ne connaissais pas à travers les yeux d’un artiste contemporain.

  6. Quelle technique magnifique ! C’est une ode à la beauté du vivant et à l’artisanat séculaire japonais. Il y a du mystère aussi, de la patience et de l’abnégation. Une touche d’imperfection également évoquant l’esprit Wabi-Sabi…

  7. edouardleminorgmailcom

    le Gyotaku m’était totalement inconnu. L’interview avec Sylvain Garrigues présente de manière captivante cette technique artistique japonaise. Les photos des dessins permettent de visualiser le résultat final très inspirant.

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