As-tu déjà rêvé de t’exprimer comme un poète ? Peut-être penses-tu ne pas avoir les compétences nécessaires pour explorer ce domaine? Cherches-tu des moyens originaux pour encourager tes enfants à s’intéresser à la poésie ? Aimerais-tu partager des moments culturels et inspirants avec tes proches lors de soirées entre amis ou en famille ?
Alors, bienvenue dans cet article consacré à des jeux d’initiation au haïku, le plus petit poème au monde !
Même avec un emploi du temps chargé entre projets d’écriture, blog à alimenter, ateliers à préparer et illustrations à créer, j’ai décidé de me lancer dans une nouvelle aventure poétique cette semaine. J’ai testé un procédé d’écriture poétique hyper valorisant qui m’a enthousiasmée, et je ne pouvais pas garder ça pour moi !
Connais-tu le haïku ? Ce poème, aussi compact qu’un tweet, ne dépasse pas 17 syllabes ! Sa simplicité apparente et sa brièveté en font une poésie moderne et facile à partager. Alors, pourquoi ne pas se laisser emporter par la magie du haïku et essayer ces jeux d’écriture poétique ?
Dans cet article, je te propose trois activités captivantes, parfaites pour écrire seul ou en groupe, en famille ou entre amis, et adaptées à tous les âges et niveaux de compétence.
En les testant moi-même, j’ai été conquise par l’expérience créative qu’elles offrent !
Alors, prêt(e) à relever le défi poétique ?
Le Haïku : une poésie populaire ancrée dans le concret
Découvrons ensemble l’univers captivant du haïku ; D’origine japonaise, le haïku a pris la forme populaire qu’on lui connaît au 17e siècle grâce à la démocratisation de la poésie par la maître en haïku Matsuo Basho.
Le haïku se distingue surtout par sa brièveté, son vocabulaire simple et ordinaire, son humour bienveillant. Les thématiques abordées sont souvent liées au quotidien, à l’humain et à la nature, capturant ainsi l’éphémère et l’instant présent.
Tel un instantané, il s’écrit généralement sur 3 petits vers qui donnent à voir une scène de la vie courante. Cette structure ternaire pousse l’auteur à une écriture précise et concrète, où le superflu et les qualificatifs abstraits n’ont pas leur place. La mission du haïjin (auteur de haïku) est simple : retranscrire ses impressions et ses émotions en décrivant la réalité, sans chercher à paraître érudit ou esthétisant.
Pour mieux comprendre cet art, voici quelques exemples de haïkus qui éveilleront tes sens et tes émotions:
l’eau les dessine
puis l’eau les efface,
les iris
Chiyo-ni
sieste
la main cesse
de mouvoir l’éventail
Taïga
l’escargot
levant la tête
c’est moi tout craché
Shiki
place du village
le platane est fleuri
de chants d’oiseaux
Pascale Dehoux
blonde échevelée
courant sur la plage
ragots des commères
Philippe Macé
déménagement –
nos vies
à bout de bras
Coralie Creuzet
Résumons à présent les règles d’écriture essentielles du haïku :
- La structure en trois vers – Comme une histoire, chaque haïku possède un ancrage, spatial ou temporel, une action et une surprise ou étrangeté du quotidien.
- Des émotions évoquées par des motifs sensoriels – Les haïkus suscitent des émotions en utilisant des images concrètes liées aux sens.
- L’absence de rime – Le haïku ne cherche aucune fioriture, préférant l’authenticité.
- Une pause (césure) dans le rythme – La césure invite le lecteur à méditer et à ressentir.
En adoptant l’esprit du haïku, chacun peut goûter à la beauté du moment présent et exprimer ses émotions avec sincérité et simplicité.
Jeu 1 : Enquête Haïku – Écrire avec la gomme !
Prêt(e) à te glisser dans la peau d’un véritable haïjin (auteur de haïku) ? Accroche-toi, car voici le jeu « Enquête Haïku » qui va mettre ton esprit créatif à l’épreuve ! Rassemble tes amis, ta famille ou tes collègues en équipes (ou en mode chacun pour soi), et c’est parti pour le défi poétique !
Le principe est simple : chacun choisit/tire au sort un haïku et lui ajoute quelques mots pour le « transformer ». Les équipes devront ensuite jouer les fins limiers en cherchant à démêler les éléments ajoutés des vers authentiques.
Pour des questions pratiques, je te conseille d’écrire ta version « enrichie » deux fois. Une copie conserve la version avec ajouts, la seconde -écrite de préférence sur ardoise ou tableau effaçable- évolue au fil des essais des participants. Chacun dévoile ce qu’il pense être « de trop » et justifie ses choix, ouvrant ainsi la voie à de savoureuses discussions poétiques !
Pendant l’enquête, les équipes ont l’occasion de s’entendre sur une ligne de conduite, évaluant chaque nouvelle idée de suppression en fonction du texte global.
Mais sur quels indices se concentrer pour résoudre cette énigme littéraire ?
- L’enjeu, l’essentiel de l’histoire : repère ce qui justifie l’écriture de ce haïku, l’attention portée à un événement précis.
- Des éléments inutiles ou imprécis : chasse les mots superflus et privilégie la concision et la précision.
- Des qualificatifs concrets ou abstraits : opte pour les images sensorielles qui évoquent des émotions et élimine des termes génériques ou banals.
- Un rythme avec un temps de pause : lis à l’oral plusieurs fois le texte et repère les endroits où une césure peut apparaître.
- Des mots savants ou populaires : préfère les termes simples, faciles à comprendre aux adverbes, expressions poétisantes etc…
- La conjugaison des verbes : scrute la temporalité pour garder le présent, le participe présent voire l’infinitif
Et maintenant, à toi de jouer !
Voici quelques haïkus d’Issa Kobayashi que j’ai « surchargés » pour te mettre dans l’ambiance :
- un bruit de clac clac
arrivant dans la brume
je pense « Qui est-ce ? »
Issa rédige ses haïkus comme de véritables scénari de film.
Ligne 1 : « un bruit » s’impose comme une redondance à ce qui est déjà une ambiance sonore concrète avec l’onomatopée « clac clac »
En Ligne 3, la voix directe suffit à penser avec le personnage, ajouter une narration avec « je pense » est inutile.
Ainsi, nous pouvons lire la version d’Issa :
clac clac
arrivant dans la brume
qui est-ce ?
- pour se divertir
le joli chat gris attrape les mouches
à la fenêtre
Relis ce haïku et cherche l’enjeu de la scène. Est-ce la description du félin qui importe ou son action ? Issa observe le chat dans son jeu de chasseur. Il « croque » cet instant de vie : qualifier l’animal ternirait la fraîcheur de la scène. Issa ne garde ici que l’action :
pour se divertir
le chat attrape les mouches
à la fenêtre
- des kakis sauvages
la mère du petit mange lentement
la partie âpre
À nouveau, quel est l’enjeu principal de la scène ? Identifier le personnage comme étant « mère » induit déjà la présence de l’enfant sans avoir besoin de le nommer. La Ligne 1 et la Ligne 3 sont en corrélation : les kakis sauvages sont âpres, ainsi la mère veille à retirer cette partie des fruits avant de les proposer à son enfant. Sans la Ligne 3, nous aurions une scène moins touchante d’une femme (pas d’une mère) mangeant des kakis sauvages. Issa écrit donc :
des kakis sauvages
la mère mange
la partie âpre
Alors, enfile ton chapeau de détective haïku et lance-toi dans cette enquête poétique ! Tu vas voir, c’est un jeu véritablement stimulant!
Jeu 2 : Haïkuvertures – Désensabler sa bibliothèque !
Prépare-toi à une aventure littéraire des plus motivantes avec le jeu des « Haïkuvertures » ! Cette astuce géniale va te permettre de donner une nouvelle vie poétique à ta bibliothèque personnelle. Alors, déterre tes livres ensevelis sous la poussière et redécouvre-les d’un œil nouveau !
Voici le concept : choisis trois (ou parfois deux) livres et unis les titres de ces ouvrages; Tu vas créer une histoire brève et poétique sous forme de haïku.
Si ton imagination est bloquée, choisis des livres au hasard, agence les titres ensemble, renouvelle la méthode plusieurs fois et les possibilités créatives s’étendront à l’infini !
Rappelle-toi de garder en tête ce précieux conseil : reste concret ! Laisse les titres t’inspirer des images claires et évocatrices.
Voici, pour t’inspirer, deux haïkus moissonnés dans ma bibliothèque :
là-bas
les fleurs bleues
bleu presque transparent
un soir au club
knock
l’étranger
Si tu manques de livres ou si tu souhaites varier tes compositions, il existe la solution « web ». Surfe sur le site d’une maison d’édition et fais ton « marché poétique » en sélectionnant les titres qui te parlent.
D’ailleurs, je me suis prêté à cette expérience sur le site de la merveilleuse librairie Pippa. En plus de lancer chaque année des appels à texte pour la parution de recueils collectifs, elle nous a challengés pour constituer des haïkus à partir de ses titres publiés. Avec des titres déjà si poétiques, cet exercice m’a ouvert à un monde de possibilités insoupçonnées !
Exemples de mes essais sur le site des éditions Pippa:
Annapurna
Au pied du vent
L’empreinte d’un frère
Minutes d’été
Par les champs et les bois
Nos voix comme des lampes
Une fois que tu auras composé tes haïkus, pourquoi ne pas les partager avec tes amis ou ta famille? Prends des photos de ces assemblages littéraires pour une (re)lecture en groupe.
En relisant mes compositions je me suis rendu compte que nombre d’entre elles n’étaient pas des haïku (plusieurs césures, termes trop abstraits, infinitifs qui généralisent et sortent de l’instant, etc…). L’engouement du début, l’éloquence et l’élégance de certains titres peuvent vite nous faire perdre « l’esprit haïku ».
Bien que non-haïku, les textes n’en demeurent pas moins poétiques et je m’amuse parfois à les réutiliser pour d’autres circonstances !
Jeu 3 : Biffer les livres – Des haïkus insolites
Et si tu dérogeais maintenant à un précepte qui dit qu’on ne peut écrire un haïku que d’après son vécu? Allez, en piste pour explorer le monde des « Haïkus biffés » !
Ce jeu d’écriture est inspiré des œuvres poétiques et plastiques de Dimitri Rataud, les « Haïkus Marinières » comme ici:
Voici comment jouer : prends au hasard quelques livres de ta bibliothèque. À l’intérieur de ces ouvrages, porte ton attention sur une page et cherche des passages qui, une fois réunis, forment une histoire courte et concrète. Il est drôle de dénicher dans la prose narrative de merveilleux petits haïkus: à toi de constituer ton petit recueil!
Pour te donner une idée, voici le fruit de mes nombreux essais issus d’un roman (1) (« L’herbe rouge » de Boris Vian), d’une autobiographie (2)(« J’avoue que j’ai vécu » de Pablo Neruda) et même d’une pièce de théâtre (3) (Huis clos » de Jean-Paul Sartre)!
1.le soleil frappe
à cette porte
silence
2.à travers la pluie
d’une pierre à l’autre
le vent
3.entre les grands lacs
une branche d’oiseaux
leurs éventails
Qu’en penses-tu ?
Commencer la prise de notes sur ordinateur permet de copier, supprimer, ajouter les éléments sélectionnés. Tu peux respecter l’ordre des mots du récit comme je l’ai fait ou déroger à cette pratique si tu préfères une approche simplifiée à partager avec des enfants.
Besoin d’astuces pour savoir comment mener ta sélection ? Voici quelques pistes :
- Noms pour un personnage : relève les noms de ce qui deviendra le personnage de ton histoire (humains, animaux, végétaux)
- Qualificatifs : repère quelques adjectifs simples, concrets.
- Verbes : intéresse-toi aux verbes, surtout ceux conjugués au présent, mais aussi aux infinitifs et participes présents.
- Mots à double sens/usage : pense à jouer avec les mots ayant une double fonction, comme un verbe conjugué au présent qui devient un substantif (je loupe / une loupe).
- Onomatopées : sois à l’affût d’onomatopées qui peuvent donner un éclat de vie à ton histoire et synthétiser une action ou une ambiance.
- Conjonctions et prépositions : n’oublie pas quelques conjonctions courantes (et, ou) et certaines prépositions très utiles (dans, sur, à, chez, près, pour, sous, en, après… ).
Lorsque tu as rassemblé tes mots, laisse ton imagination faire le reste ! Déplace, remplace et associe les éléments pour créer des poèmes insolites.
Cet exercice te permettra à toi ou aux enfants de redécouvrir les livres sous un nouveau jour. D’ailleurs, je n’avais encore jamais pris le temps d’entrer dans l’autobiographie de Pablo Neruda, et cet exercice a été l’occasion d’en parcourir quelques pages !
Le haïku, un poème moderne à partager
Ces jeux permettent de se familiariser avec la forme poétique du haïku tout en s’amusant. C’est une façon directe de tenter l’écriture sans complexe.
Il me semble essentiel de distiller ne serait-ce qu’un peu de poésie dans son quotidien pour le bien-être, la fraîcheur et le voyage qu’elle apporte… Le haïku est une poésie suffisamment universelle pour parler au plus grand nombre.
Alors, si comme moi tu sens la nécessité de propager la beauté et la poésie autour de toi, lance-toi ! Diffuse tes récoltes poétiques au sein de tes réseaux et invite d’autres personnes à s’émerveiller de la délicatesse et de la bienveillance du haïku !
Si tu souhaites poursuivre ton exploration dans le monde de cette poésie du concret, je t’invite à suivre mes prochains articles.
N’hésite pas à partager tes découvertes, tes réflexions et tes créations avec moi, avec nous, en commentaire ! Je suis impatiente de connaître ton ressenti et de partager ensemble nos créations !
J avais entendu parlé des haïkus mais je n avais pas cherché à en savoir plus.
Merci pour les infos, j aime bien l idée de biffer dans les livres
Merci Christèle ! Biffer les livres est un acte libérateur! J’aime bien le faire, sans complexe, sur de vieux livres mis au rebut !!